Le sort de l’Université Jean Monnet en question au Parlement

 

Le député de la Loire Régis Juanico vient de poser une question au Gouvernement sur les conditions de la fusion entre les universités de Saint-Etienne et de Lyon.

Le détail de la question posée au Gouvernement :

« Madame la Ministre,

Suite au tollé suscité localement par l’annonce d’une absorption imminente de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne par l’Université de Lyon, le vote des statuts d’un nouvel établissement unique par le Conseil d’Administration de l’Université stéphanoise qui devait intervenir mi-décembre a été reporté.

Ce vote revêt une importance capitale, vitale pourrait-on même dire, puisqu’il actera par là-même la disparition de l’Université Jean Monnet comme établissement d’enseignement supérieur et de recherche autonome et celle de sa personnalité juridique et morale.

Depuis cinquante ans, dans la continuité des décisions visionnaires de l’ancien maire Michel Durafour, des élus stéphanois de tous bords se sont battus pour obtenir la création de l’Université de Saint-Étienne, son autonomie et une offre pluridisciplinaire de qualité sur le territoire stéphanois.

L’UJM compte aujourd’hui plus de 20 000 étudiants et nombre de ses laboratoires de recherche apportent leur pierre à l’édifice d’une coopération nationale et internationale et sont pour certains leaders en leur domaine. La coopération avec les établissements lyonnais existe déjà et elle fonctionne !

La dilution programmée de notre Université trouve son origine dans une ambition de compter au plan international et d’obtenir l’éligibilité sous sa nouvelle appellation lyonnaise, à des financements supplémentaires du type programme IDEX, sans garantie.

La disparition de l’Université Jean Monnet comme établissement d’enseignement supérieur et de recherche autonome s’accompagnera de la disparition de quasiment tous les pouvoirs décisionnels et de pilotage stéphanois et fait peser un risque, au regard du déséquilibre entre les deux entités, de voir l’offre d’enseignement supérieur des 1er, 2e ou 3e cycles se rétrécir à St-Etienne.

Est-il indispensable d’opérer un choix aussi radical qui n’offrira aucune possibilité de retour en arrière, faisant définitivement de notre territoire une « succursale académique de Lyon » ?

En effet, d’autres statuts restent possibles et ont été choisis par d’autres établissements français dans le cadre de procédures de fusions, lesquels assureraient à notre Université la possibilité de participer, en tant que composante à part entière, à ces grands projets, tout en conservant une personnalité morale et juridique ainsi qu’une identité forte sur notre territoire.

Aussi je souhaiterais savoir ce que compte faire le gouvernement pour préserver l’autonomie et le pouvoir de décision de l’Université de Saint-Etienne pourrait dans le cadre de la nouvelle université de Lyon ? »

Index 5

La réponse de Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État :

« Monsieur le député JUANICO,

Vous avez évoqué la disparition de l’université de Saint Etienne et en préambule je veux dire que l’enseignement et la recherche ont un bel avenir à Saint Etienne. C’est un pole d’excellence qui a vocation à se développer, à s’affirmer à l’échelle internationale.

Cette ambition de rayonnement est partagée, je pense, par le gouvernement, par vous-même et par l’Université de Saint-Etienne, forte de ses 450 Enseignants-Chercheurs, 360 doctorants et d’un certain nombre de domaines dans lesquels l’Université est chef de file.

Cette ambition de rayonnement est au cœur du programme des investissements d’avenir. Vous évoquiez les initiatives d’excellences – IDEX. Permettez-moi de revenir un instant sur ce sujet.

Ces IDEX ont pour objet de constituer des pôles universitaires de rang mondial comparables aux établissements les plus renommés. Il s’agit d’un soutien significatif apporté par une dotation de plusieurs dizaines de millions d’euros pour continuer à attirer les meilleurs chercheurs internationaux, accompagner les laboratoires, soutenir les professeurs, maitres de conférences et l’ensemble de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche sur un site universitaire donné.

Les universités de Lyon 1, Lyon 3, Saint-Etienne et Normale Sup Lyon qui sont engagées depuis de nombreuses années dans la construction d’un projet susceptible de remporter l’IDEX. L’Université de Saint-Etienne a été d’ailleurs sélectionnée en 2017, non pas par une instance ministérielle ou politique, mais par le jury de l’IDEX lui-même, un jury international présidé par Jean Marc Rapp, ancien recteur de l’Université de Lausanne.

Ce jury a d’ailleurs demandé à ce que le projet porté par Lyon et Saint-Etienne apporte des garanties en matière de gouvernance et d’organisation parce qu’on a bien entendu les craintes qui pouvaient exister. C’est la raison pour laquelle le projet a reçu ce label titre probatoire.

L’émergence d’un site universitaire de rang mondial ne doit pas mettre à mal d’importantes missions de service public comme l’accès aux étudiants du territoire à l’enseignement supérieur. Cela nécessite donc une coordination renforcée entre les membres.

En novembre 2019 un examen a mi-parcours s’est fait par le jury IDEX, visant à reconduire le financement. Cette décision a été prise à l’unanimité tant les garanties apportées par les porteurs du projet ont été convaincantes.

J’ajoute que la loi Etat pour une société de confiance – ESOC - prévoit une ordonnance sur les regroupements universitaires expérimentaux qui offre justement, depuis un an, la possibilité de repenser les institutions, les leviers juridiques pour faciliter le travail collectif. Je crois que les porteurs du projet s’attacheront à ce qu’il n’y ait pas d’effacement ni de l’offre de formation et de recherche, ni de l’autonomie de la gouvernance de Saint-Etienne. C’est d’ailleurs le point 2.6 du livre premier du projet stratégique que vous avez évoqué dans votre question.

Autrement dit en aucun cas le projet IDEX n’a pour objet ou conséquence de restreindre la recherche ou la formation à Saint-Etienne mais bien de la faire rayonner internationalement.

 

Le député de la Loire Régis Juanico analyse la réponse du gouvernement où « Suite à ma question posée lors de la séance de questions orales sans débat à l’Assemblée Nationale ce mardi 28 janvier, sur les conditions de fusion des universités de Saint-Etienne et de Lyon, la réponse apportée par le secrétaire d’Etat aux affaires européennes et étrangères Jean-Baptiste Lemoyne, en l’absence remarquée de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche Frédérique Vidal, n’est pas de nature à rassurer les acteurs stéphanois.

Si le secrétaire d’Etat a bien confirmé que le nouveau délai reportant le vote des nouveaux statuts de l’établissement unique par le conseil d’administration de l’Université Jean Monnet serait mis à profit pour apporter des « garanties sur la gouvernance, l’organisation et les nécessaires coopérations renforcées », il n’a apporté aucune précision sur la nature précise de ces « garanties » quant au maintien d’une personnalité juridique et morale et d’un pouvoir de décision fort pour l’Université de Saint-Étienne, dans le nouvel établissement « Université de Lyon ».

Le ministre a notamment déclaré : « je crois que les porteurs du projet s’attacheront à ce qu’il n’y ait pas d’effacement ni de l’offre de formation et de recherche, ni de l’autonomie de la gouvernance de Saint-Etienne ». Des engagements flous qui ne sont pas vraiment de nature à nous rassurer, de la part du représentant du Gouvernement qui devrait faire preuve de beaucoup plus de volontarisme.

Je réitère ma demande de revoir en profondeur la copie des futurs statuts de l’établissement unique, alors qu’aucune étude d’impact relative aux conséquences de la fusion sur les sites stéphanois, en matière d’emplois, de nombre d’étudiants, de préservation de l’offre d’enseignement supérieur pluridisciplinaire, n’a été fournie.

Il est inconcevable d’imaginer une Métropole sans université propre, d’autant plus que rien n’interdit à l’Université Jean Monnet de conserver sa personnalité juridique et morale.

Comme l’a très bien résumé l’ancien président de l’Université Jean Monnet, Robert Fouquet, « le risque pour Saint-Etienne est de redevenir, comme dans les années 60, un collège de Lyon, considéré comme une implantation périphérique du site lyonnais » ».

Date de dernière mise à jour : 11/02/2020