Gérard Lindeperg Avec la Loire Editions de l'Aube 2020, 376 p. 9782815940092 23 euros

 

A travers son nouveau livre Avec la Loire paru aux éditions de l'Aube, le député Gérard Lindeperg retrace dans ce deuxième tome le récit de son parcours politique stéphanois mêlant analyse et autocritique. Cet ancien inspecteur d'académie rappelle ses principaux combats politiques entre refondation de la section locale du Parti socialiste, la double tentative vaine de conquête de la mairie stéphanoise et le succès éclatant à la députation ligérienne. Avec habileté et en fin analyste politicien, le député Lindeperg dresse également quelques portraits savoureux de ses colistiers mais aussi de ses adversaires politiques.

Un livre à lire absolument pour découvrir les coulisses électorales pour tout amateur de la vie politique stéphanoise.

Quelques portraits ordinaires :

Portrait d'André Friedenberg (pages 78-79)

« Depuis son adhésion aux radicaux de gauche en 1980, André Friedenberg resta toujours fidèle à la gauche, en dépit des tentatives de débauchage dont il fut l’objet. Je me suis toujours efforcé de traiter les radicaux avec une attention et un respect qui faisaient abstraction de la faiblesse de leur poids électoral. Après mon élection à la tête de la fédération, lors de nos premiers contacts, il me fit part de son plaisir d’avoir affaire à un nouvel interlocuteur socialiste. Je me rendais de temps à autre dans son arrière-boutique pour bavarder : c’est là qu’il livrait ses confidences, rapportait les potins de la ville et mitonnait ses projets. Puis nous allions boire un verre place de l’Hôtel de Ville. Il aimait être consulté, et des communications téléphoniques trop espacées le mettaient en émoi car il craignait en permanence d’être abandonné ou trahi par un parti dont il redoutait l’hégémonie. Mais il ne voulait pas seulement être considéré, à la recherche constante de signes affectifs, il voulait aussi être aimé et sans doute n’ai-je pas été à la hauteur de toutes ses attentes. Surnommé « Fifi », il ne pouvait être compris sans référence à son enfance. Pour échapper à la déportation, il était né sous un faux nom dans une famille de paysans parmi les « Justes » de la Haute-Loire, et il porta toute sa vie le poids de cette mémoire toujours vive : volonté d’ascension sociale pour échapper à la pauvreté de la famille, besoin de reconnaissance, engagement dans le combat contre le racisme et l’antisémitisme. Son empathie naturelle qui le conduisait à la recherche du consensus explique l’importance de la foule de ses amis de tous bords venus assister, le 20 novembre 2017, à sa réception dans l’ordre national du Mérite ; toutefois, la sympathie des amis n’appelle pas nécessairement les voix des électeurs. Pour les élections municipales de Saint-Étienne en 2020, la liste conduite par Zahra Bencharif et André Friedenberg en numéro deux est présentée par le seul PRG. Elle obtient 1,22 % des voix. »

 

Portrait du député Gilles Artigues (page 274) lors des législatives perdues par Gérard Lindeperg en 2002

« Le candidat le plus dangereux pour moi était le candidat UDF soutenu par l’UMP, Gilles Artigues. Un homme aux idées de droite mâtinées de références chrétiennes et défenseur de l’ordre moral. Adjoint au maire de Saint-Étienne, très présent dans le milieu associatif, il avait su tisser des réseaux au-delà des milieux catholiques conservateurs dont il était issu. Il mena une campagne de présence sur le terrain très active. On le vit parcourir la circonscription en missionnaire, tout en amabilités et courbettes empreintes de componction. Mais la rondeur pateline avait du mal à dissimuler la poigne d’un homme déterminé dont l’ambition le conduirait à sacrifier ses propres amis dans les années qui suivraient. »

 

Suite du portrait du député Gilles Artigues (page 278) lors des législatives gagnées par Gilles Artigues :

« C’est pourquoi je ne saurais faire de reproche à Gilles Artigues qui m’a éliminé dans une compétition électorale dont les règles démocratiques ont été respectées. J’aurais plutôt tendance à le remercier d’avoir, dans les années qui suivirent, fait le jeu de la gauche. En « trahissant ses amis », disent ceux qui ne lui ont pas pardonné, en « s’émancipant », disent ceux qui ont passé l’éponge, il a divisé son camp et permis la victoire de Maurice Vincent aux élections municipales de 2008. Par la suite, en discréditant la candidate qui se réclamait d’Emmanuel Macron, il a contribué à sauver in extremis Régis Juanico d’une défaite annoncée aux législatives de 2017. Deux succès socialistes qui lui doivent beaucoup. »

 

Portrait du sénateur maire Maurice Vincent (page 279) lors de la campagne municipale de 2014 perdue face à l'actuel maire Gaël Perdriau :

« Élu en 2008 à l’occasion d’une triangulaire, sa défaite en 2014 s’expliquait par une logique politique qui découlait du rassemblement de la droite sur une seule liste. La surprise résida dans l’écart de voix très important avec son adversaire, Gaël Perdriau, qui le devança au deuxième tour de près de quatre mille voix. À l’évidence, Maurice aime la ville où il est né, mais il n’a pas su montrer aux Stéphanois qu’il les aimait. Il s’est courageusement dépensé pour Saint-Étienne mais le courant n’est pas passé avec la population. »

 

Quatrième de couverture

Après la publication d’Avec Rocard, Gérard Lindeperg nous offre le second volet de ses mémoires.

Avec la Loire relate son expérience de responsable socialiste et de député. Sans langue de bois ni faux-semblant, il nous révèle les arcanes de la vie politique à Saint-Étienne et les coulisses de l’Assemblée nationale. Le récit commence au début des années 1990, à une époque où la droite était hégémonique dans la Loire. Il déroule sur une décennie l’histoire de la gauche dans ce département industriel sinistré ; il dévoile au plus près la vie d’une fédération socialiste, longtemps déchirée, qui parvint à se reconstruire et à retrouver sa place parmi les grands partis du département. L’auteur dessine d’un trait vif les portraits de nombreux acteurs de la période et témoigne de son attachement à une ville qui lui rappelle le Creusot de son enfance.

Ce livre comble opportunément un vide dans l’histoire sociale et politique du département de la Loire dont il souligne les singularités.

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4010 lindeperg avec la loire

Date de dernière mise à jour : 02/02/2021